Stéphane Ferrux, directeur de l'agence Cuba autrement, avait rencontré Alberto Granado, vieil ami du Ché, et compagnon du fameux voyage à motocyclette, et il avait évoqué avec lui les années rugby, en Argentine :
Quelle relation entre le rugby et le Ché ?
J'ai connu Ernesto par mon frère Thomas. Le gamin de 14 ans voulait pratiquer le rugby. Les autres équipes ne voulaient pas de lui par peur de jouer avec un asthmatique. Malgré sa maigreur, il possédait une force physique de nerveux surprenante. Pour cela, et pensant que le sport était le meilleur remède pour l'asthme, nous l'avons accepté dans une équipe, mais de second niveau. Il possédait un excellent plaquage, à la hauteur des coudes...
C'était un enthousiaste du rugby. Son père dira qu'il en retint les enseignements de l'esprit d'équipe, de la discipline et du respect de l'adversaire.
Vous avez joué ensemble ?
A Cordoba. On l'appelait "Fuser" : Furibond de la Serna ( de son nom : Ernesto Guevara de la Serna). Nous pratiquions le rugby à contre-courant de l'époque et particulièrement des courants de Buenos-Aires, où le rugby, comme le golf, étaient d'abord des sports d'élite réservés à la haute société. C'était avant les Pumas et la renommée mondiale du rugby argentin. Nous, c'était pour le défi, la compétition. D'ailleurs, Ernesto vécut un jour une descente de police pour une accusation de divulgation de propagande communiste, alors qu'il participait à la rédaction d'un article dans "Tackle" (plaquage), commentant les différences de classes dans la pratique du rugby argentin.
Et vous êtes devenus amis ?
A tel point que nous avions décidé de partir en moto, "Fuser" second chef de l'expédition et "Petiso" comme il m'avait surnommé, premier chef. Nous voulions réaliser tous les deux un grand tour d'Amérique latine, refusant les aides classiques pour la recherche médicale où il fallait aller pleurer dans les ministères. Nous avons opté pour l'aventure empirique et le contact avec la réalité de la maladie, car nous projetions d'étudier la lèpre. C'est la rencontre au Mexique avec Fidel qui interrompit l'expédition.
Depuis quand vivez-vous à Cuba ?
1961, au commencement de la Révolution. Je voyais Fidel comme un véritable leader qui pouvait changer les choses en Amérique latine. Grâce au Ché, j'ai pu participer, comme chercheur biochimiste, au travail réalisé par le gouvernement de Fidel dans le cadre de la santé publique.
Et maintenant, comment vous occupez-vous ?
Je suis assesseur de nombreuses institutions en relation avec les Ché, à Cuba, au Venezuela et en Argentine. En plus de ces nombreuses responsabilités, je pratique toujours l'exercice physique.. C'est clair, moins le rugby, mais toujours le golf que j'ai appris à Cuba, un pays socialiste ! Et je marche quelques kilomètres chaque jour, car c'est le secret de la forme, avec cette devise : " Le sport comme travail, et le travail comme sport...et un petit rhum chaque jour après le bain."
(Octobre 2010 : une des dernières sorties publiques de Granado : il venait d'assister à la première du documentaire : Ché, un hombre nuevo, au ciné Chaplin de La Havane)
Granado très entouré à la sortie du cinéma Chaplin |