(Par J.M Gramond)
"Memorias del subdesarrollo" ( Mémoires du sous-développement), Cuba- 1968- 85 mn-vostf. Film de Tomas Gutiérrez Alea, avec Sergio Corrieri, Daisy Granados, Eslinda Nunez,Omar Valdés, René de la Cruz.
Une histoire personnelle qui aurait été insignifiante si elle n’était arrivée dans les jours vertigineux de la Révolution cubaine : Sergio, un petit bourgeois dilettante qui décide de rester au pays alors que sa famille part pour les États-Unis, en est le personnage central. Dandy nihiliste, il ne choisit jamais son camp. En pleine crise personnelle face à l’effervescence de l’époque, il se positionne en observateur, papillonne d’une femme à l’autre, réelle ou fantasmée, se terre dans son appartement ou erre dans les rue de la capitale en méditant.
Voici comment le réalisateur présente son film : «Ce n’est pas une traduction du roman ( Memorias del subdesarrollo, d’Edmundo Desnoes) au cinéma, mais une oeuvre cinématographique prenant comme point de départ le livre de Desnoes. Il sera par conséquent une adaptation fidèle mais chargée de possibilités. C’est une perspective excitante car je pense que jusqu’à présent j’ai été trop attaché aux conventions et aux voies connues à cause justement de notre sous-développement (du mien notamment). Avec ce film, je crois avoir l’occasion de dire quelque chose d’important et de polémique, et de le dire d’une manière très authentique, très libre.»
La base de la narration est l’écriture par Sergio de ses mémoires. Le fait de suivre le flot d’une vie retranscrite par écrit explique le côté éminemment subjectif des confessions recueillies, le découpage en épisodes et la non-linéarité des événements. Alea a choisi de naviguer entre petite et grande Histoire en mêlant fiction et documentaire par le biais de l’utilisation d’images d’archives. Il superpose les mémoires, exercice très intime, et les notions géopolitiques que sont le sous-développement et le développement. Le sous-développement, expression relativement récente au moment des faits racontés, est fréquemment cité par Castro. La prise de conscience de ses causes et la recherche des moyens d’en sortir sont au coeur du programme politique national. Pour Alea, l’art est l’une des meilleures armes.
En 2009, année du 50ème anniversaire de l’ICAIC, Memorias.. a été considéré comme le meilleur film cubain de fiction par un jury de spécialistes cubains du cinéma, et aussi comme le meilleur film ibéroaméricain de l’histoire, par un jury international.